L’Arménie, aussi, a besoin d’une loi… contre le négationnisme !
Source: France-Arménie, No. 360 (Avril 16-31)
Alexandre Iskandaryan est ressorti blanchi de l’action en justice intentée à son encontre, pour faits de négationnisme, par Armen Ayvazyan.
En Arménie, certains peuvent nier le Génocide arménien sans avoir à craindre des poursuites ! Le 5 mars dernier, soit au lendemain du vote du Congrès américain (cf. FA n° 358), la Cour d’appel a rejeté la plainte du Centre d’études stratégiques Ararat contre l’Institut Caucase qui avait traduit, publié et diffusé une littérature négationniste. Rappelons que le 4 décembre 2009, le tribunal de première instance de Kentron et Nork-Marache, présidé par la juge Kariné Petrossian, avait rejeté en un temps record (une minute et quinze secondes) la plainte du Centre Ararat dirigé par Armen Ayvazyan, en prétextant que la Cour ne disposait pas d’assez d’éléments légaux afin de l’examiner (cf. FA n° 352, p. 10 et n° 353, p. 13) (1).
Alexandre Iskandaryan, le directeur de l’Institut Caucase, n’essaie même pas de maquiller un discours étrangement pro-turc. Dans un article, il mentionne que l’Arménie occidentale n’était pas une terre arménienne et qu’elle n’a pas seulement été habitée par les Arméniens. Ou encore, que la première République d’Arménie serait “la soi-disant première République” et Dzidzernagapert “le lieu favori” des manifestations organisées chaque année. Deux semaines après le «procès», Aybars Görgrülü est invité par Alexandre Iskandaryan à Erévan, pour participer à une conférence à huis clos à l’Hôtel Marriott.
Depuis le rapprochement entre Erévan et Ankara, les déclarations pro-turques se sont multipliées en Arménie, dans les médias et dans la société. Par exemple, Sergueï Harutyunov, membre de l’Académie des sciences d’Arménie, annonce sur un plateau de télé que les personnes hostiles à l’ouverture de la frontière entre la Turquie et l’Arménie sont des traîtres ou qu’en 1915, des Arméniens ont aussi massacré des Turcs. Autre illustration : la «disparition» du Mont Ararat de l’emblème de la Fédération nationale de football d’Arménie, peu avant le match Arménie-Turquie qui s’est joué en présence d’Abdullah Gül. Le plus inquiétant reste la position d’Achot Bleyan, le directeur de la plus grande école d’Erévan, Mekhitar Sébastatsi, qui a récemment annoncé, à l’image d’Ankara, que les relations arméno-turques et arméno-azéries doivent être résolues dans un même paquet. “Le Parlement serbe a dernièrement condamné les massacres des habitants pacifiques bosniaques à Srebrenica. Je dis bravo. Le Parlement serbe est un exemple à suivre non pas pour les Turcs et les Azéris, mais pour l’Arménie et l’Artsakh.”
Tout se passe comme si deux réalités cheminaient en parallèle en Arménie : le discours des autorités d’Erévan qui s’est raidi ces derniers mois vis-à-vis de la Turquie (cf. la visite du Président à Deir Zor, en Evénement) et un laxisme inquiétant face aux distorsions de l’histoire et du présent, qui ont tendance à se multiplier. Comme un air de double jeu…
Arminé Adjamian
(1) Dans un livre intitulé Le Voisinage dans le Caucase – La Turquie et le Caucase du Sud (publié en russe et en anglais en 2008), l’Institut du Caucase avait inséré un article d’Aybars Görgrülü, dans lequel l’auteur turc avait ouvertement mis en doute la réalité du Génocide, mettant le terme de Génocide 34 fois entre guillemets.
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